Si vous vivez à Montréal ou à Québec, vous avez la possibilité de scolariser votre enfant dans le système français (établissements du réseau AEFE) ou québécois. Entre votre volonté de vous intégrer pleinement au Québec et d’ouvrir votre enfant à sa culture, et celle de maintenir une solide formation académique à la française, votre coeur balance? Nous avons interrogé des professionnels de l’éducation ainsi que des familles françaises installées au Québec qui ont fait des choix différents. Voici quelques principes de base, pistes de réflexion et astuces qui pourront vous aider à y voir plus clair.
1. Les bases
À Montréal, il existe deux écoles d’enseignement français appartenant au réseau AEFE : le Collège Stanislas (avec une annexe à Québec) et le Collège international Marie de France. Ces établissements offrent un cursus payant allant de la maternelle à la terminale à Montréal et jusqu’à la seconde à Québec, en suivant les programmes de l’Éducation nationale française.
Côté québécois, vous pouvez choisir entre le système public gratuit et le système privé pour les trois niveaux d’études que sont le primaire, le secondaire et le Cégep. Attention, si vous êtes tentés par le système scolaire anglophone, sachez que la possibilité d’y inscrire son enfant est strictement encadrée par la législation québécoise pour les citoyens canadiens et pour les étrangers. En principe, les enfants d’étrangers résidents permanents doivent fréquenter une école francophone, sauf au Cégep pour lequel cette règlementation ne s’applique pas (pour plus d’informations sur la règlementation applicable, voir ici, ici et ici).
À noter également qu’il existe un décalage entre les deux systèmes concernant l’âge des enfants: les élèves des écoles québécoises ont généralement un an de plus que leurs camarades du système français pour un niveau équivalent. On peut trouver quelques tableaux comparatifs sur internet, comme ici.
2. Les bonnes questions à se poser
“C’est la première chose à savoir et la plus importante“, précise Eric Galice-Pacot, proviseur du Collège Marie de France. “Si c’est pour une durée connue ou limitée, le choix du système français est préférable pour éviter la rupture de méthode pédagogique et de cycle des enfants“, conseille le proviseur.
C’est le choix que Marie a fait pour ses enfants en arrivant à Montréal, son séjour devant initialement durer deux ans seulement pour ensuite rentrer en France ou repartir ailleurs. “Le système français offre une continuité dans tous les pays du monde“, souligne la maman.
“Certains élèves qui ont un peu plus de difficultés à suivre s’épanouissent davantage dans le système québécois où il y a plus d’attention adressée à la personne, d’encouragements et de valorisation de l’élève. Cela peut être très épanouissant et rassurant pour des enfants qui seraient un peu en échec dans le système français connu pour être très rigide“, remarque Agnès, qui a des enfants scolarisés dans les deux systèmes.
Chez les grands qui font leur entrée au Cégep, certains élèves venant du système français peuvent être déstabilisés par des méthodes d’enseignement auxquelles ils n’ont pas été préparés de la même manière que leurs camarades québécois dans les classes précédentes. “Les élèves sont laissés maîtres de leur année et les parents ne sont pas vraiment impliqués dans ce qui se passe à l’école“, commente Florence. “Tout se fait entre l’école et l’élève, tant dans les relations scolaires qu’au niveau des devoirs. Cela correspond bien à des enfants suffisamment matures (…). Le temps passé au collège est beaucoup moins important mais le travail à la maison est beaucoup plus important. Il faut qu’ils donnent plus d’eux-mêmes.” précise-t-elle. “Si on n’est pas organisé et structuré, c’est compliqué“, confie Agnès.
Renseignez-vous sur les tarifs pratiqués par les différentes écoles, qui vont de la gratuité dans le public à plusieurs milliers de dollars par an dans le privé. Demandez des informations sur les possibilités de financement ou de bourses et prenez en compte les frais annexes (cantine, etc.).
“Nous n’avons pas opté pour une école française à cause du coût car nous ne sommes pas expatriés et l’école française est quand même relativement chère“, témoigne Caroline, dont les deux enfants sont scolarisés dans le système québécois. “Maintenant on paie le secondaire privé donc c’est à peu près le même prix que l’école française. Mais quand on est arrivés, on n’avait pas envie de débourser une telle somme pour le primaire“, explique-t-elle.
3. Points forts et inconvénients de chaque système
Le système français est généralement reconnu pour l’encadrement des élèves et son niveau d’exigence élevée. “Ils sont très bien entrainés à travailler et bien formés pour passer des examens“, commente Agnès. Le dialogue avec les parents est également apprécié, en particulier au niveau du lycée en comparaison au Cégep. “On est au courant des notes, on sait que si ça ne va vraiment pas, la direction va nous appeler. C’est rassurant quand même“, estime Florence.
Côté québécois, c’est surtout la place laissée aux activités parascolaires, le renforcement de l’autonomie de l’enfant et la fréquence des travaux oraux et de groupe qui sont appréciés. “On ne savait pas si on allait rentrer en France ou pas et puis le système québécois nous paraissait plutôt correspondre à nos attentes, c’est-à-dire un équilibre entre l’enseignement académique, l’enseignement artistique et le sport. Je trouve personnellement que c’est un bon mix”, explique Caroline qui constate que cela permet aux enfants “d’être bien dans leurs baskets“. Elle apprécie également la compétence des enfants à l’oral. “Ici au Québec, les enfants sont excellents à l’oral, comme tous bons nord-américains! Ils n’ont pas du tout peur de s’exprimer devant leurs classes ou leurs copains“.
La proximité de l’élève avec ses professeurs est également mentionnée. “Les relations avec les professeurs sont beaucoup plus fortes que dans le système français“, commente Florence qui confirme que le prof est toujours disponible pour l’élève.
Pour les plus grands, “le Cégep est beaucoup plus spécialisé que le lycée, ce qui a des avantages et des inconvénients“, commente Marie qui a choisi de laisser sa fille dans un lycée français avant qu’elle intègre une université québécoise. “Le Cégep offre un savoir un peu moins encyclopédique et plus tourné vers la spécialité qu’ils ont choisie selon leur filière (…). Durant sa scolarité au Cégep, ma fille n’étudiait pas de deuxième langue par exemple. Je trouve ça un peu dommage“, regrette une autre maman.
Des différences de systèmes mais aussi de fonctionnement qui peuvent surprendre voire choquer certains parents français. “Quand on voit une copie de maths bourrée de fautes d’orthographe qui ne sont pas corrigées, ça ne fait vraiment pas plaisir!“, se souvient Agnès dont l’enfant était inscrit dans une école québécoise. “Le prof estime qu’il est là pour corriger les maths et pas le français. Dans le système français, il me semble qu’on corrigerait tout,” ajoute-t-elle.
Caroline, pour sa part, considère que l’enseignement du français est plus léger dans le système québécois. “Je trouve que d’un point de vue orthographe et rigueur de la présentation, ils sont beaucoup moins stricts. En France, on y fait très attention (…)”. Dans le même temps, elle estime que le système québécois est bienveillant à l’égard des enfants et leur permet d’être plus sereins. “Parce qu’ils peuvent vraiment s’exprimer! Ils ne sont pas dans un cadre, on ne leur demande pas de souligner impérativement en rouge, noir, vert…», explique-t-elle.
4. Bon à savoir
Les écoles québécoises et françaises organisent généralement des journées portes ouvertes en septembre et début octobre, qui permettent aux familles de mieux connaître les lieux et les cursus proposés avant l’inscription.
Si votre enfant veut passer d’une école québécoise (ou autre école non française) à une école française ou inversement, il pourra être soumis à un examen. Par exemple au collège Marie de France, “à partir de la sixième les enfants passent un test de positionnement s’ils n’ont jamais été scolarisés dans le système français parce que le rythme d’apprentissage des notions n’est pas le même dans le système français et dans le système québécois“, précise Eric Galice-Pacot, proviseur de l’établissement. De même, si votre enfant doit être scolarisé en France après avoir fréquenté une école québécoise, il pourra être soumis à une évaluation. Vous trouverez plus d’informations ici.
En termes d’âge, le décalage de niveau entre l’école française et l’école québécoise peut donner lieu à des choix complexes. Florence l’a d’ailleurs vécu avec sa fille. “On avait demandé une inscription à Stanislas en seconde et parallèlement on avait fait une demande pour rentrer directement dans le système québécois. Elle se retrouvait non pas en secondaire 5 mais en secondaire 4 (…) et dans ce cas là, il lui restait 4 ans à faire“. En faisant d’abord sa seconde dans un lycée français, sa fille a ainsi gagné un an. “Stanislas et Marie de France donnent les compléments québécois, ce qui signifie qu’à la fin de son année de seconde, elle a rattrapé l’équivalent de son secondaire 5. L’année suivante elle a été acceptée au Cégep et il lui restait deux ans à faire“.