Le fondateur d’Échappe-toi, le premier “escape game” de Montréal, est un entrepreneur français. Après avoir importé son concept à Bordeaux, il est de retour sur les bords du Saint-Laurent pour mettre en place un immense jeu d’évasion dans la ville souterraine.
À mi-chemin entre Le Village et Hochelaga, dans les coulisses du premier jeu d’évasion montréalais apparu en 2014, la pression monte. Emmanuel de Gouvello et ses équipiers, dont son épouse Mathilde, s’activent dans les derniers préparatifs du défi qui les attend : un jeu d’évasion grandeur nature qui aura lieu durant trois semaines non-stop, dans la ville souterraine de Montréal, au Palais des Congrès.
Musique en fond sonore et blague avec les salariés qui entrent et sortent en permanence de son bureau… Derrière une décontraction qui paraît toute naturelle se cache une rigueur de tous les instants. Emmanuel de Gouvello aborde les prochaines semaines avec l’assurance et la détermination d‘un entrepreneur qui mise gros : « Nous allons jouer dans un lieu public, nous attendons énormément de monde, autour de 35 000 personnes, nous recrutons 80 acteurs pour cela… » Bref, grosse mission en vue, mais il n’en est pas à sa première.
Entrepreneur à Paris, Chicago, Montréal
Diplômé d’HEC dans les années 90, Emmanuel de Gouvello crée, très jeune, une agence web à l’époque où internet débarque vitesse grand V dans la société, et attire à lui une clientèle de grands industriels. De quoi développer « le business » et ouvrir une antenne à Chicago, puis une filiale à Montréal. Le jeune entrepreneur, à la tête de 33 salariés et à qui tout semble réussir, décide en 2006 de déménager, non pas « par rejet de la France », explique-t-il, mais plutôt pour assouvir une curiosité : « J’avais envie de découverte, de voir le monde, d’avoir une expérience à l’étranger. » Il vient vivre au Québec où il rencontre Mathilde, une Française qui devient sa femme.
Le dirigeant poursuit ses affaires jusqu’en 2009, et entame un sacré tournant dans sa carrière : vente de sa société à ses associés et déménagement dans les Cantons de l’Est. « C’était une autre vie qui commençait ! », rigole celui qui passera quelques années à « faire le coach et conseiller les jeunes entrepreneurs » tout en restant actif dans les organismes de réseautage, Corporate connexions notamment, qui lui permettent de découvrir et de savourer « toutes les richesses multiculturelles de Montréal ». Emmanuel de Gouvello est alors loin de se douter que les jeux d’évasion le rattraperaient. L’idée vient en 2014, lors d’une rencontre avec un ancien d’HEC, Jérémie Abbou, fondateur de Digitad. Aussitôt dit, aussitôt fait. Une première “escape room” ouvre ses portes à Montréal en 2014 et le papa débute une nouvelle vie professionnelle.
Des aventures immersives
Échappe-toi se développe vite, et passe à six salles avec des décors la plupart du temps faits maison, recyclés, repensés. L’homme est même invité à la très populaire émission Dans l’Oeil du dragon, de quoi assurer un peu plus de notoriété à cette petite entreprise qui se résume aujourd’hui en quelques chiffres : 120 000 joueurs par an, 21 salles dont 6 à Bordeaux… Car, sans doute inspiré par sa première expérience professionnelle, Emmanuel de Gouvello a importé son concept de la ville aux 100 clochers à la capitale du vin, où la famille vient de passer quatre années. « Partout, on raconte une histoire locale », confie l’entrepreneur qui, en parallèle, a mis en place des jeux d’évasions hors les murs, aux musées des Beaux-Arts de Montréal, Pointe-à-Calière pour Halloween, mais aussi au prieuré Saint-Macaire à Bordeaux. « Nous créons des scénarios de A à Z, et les participants sont plongés dans des aventures immersives avec des comédiens professionnels. Nos évasions sont toujours basées sur des thèmes en rapport avec l’histoire et la culture locale. »
« Ici le risque est valorisé »
Mais jamais Échappe-toi n’a vu aussi grand que le rendez-vous du festival Art Souterrain, pour cette douzième édition qui s’annonce hors norme. Un événement que les organisateurs souhaitent ouvert au plus grand nombre, et à tout âge : « C’est une belle occasion de comprendre Jeanne Mance et Jacques Cartier, de découvrir l’histoire de la naissance de Montréal. D’autres personnages célèbres ou de fiction seront aussi de la partie », promet le penseur de toute cette animation. « Ici, les gens aiment jouer », reprend Emmanuel de Gouvello qui apprécie tout autant de l’Amérique du Nord « la valorisation de ceux qui aiment faire et entreprendre. Quelqu’un qui se plante, ce n’est pas si grave. Ici, le risque est valorisé ».
Mais en retournant vivre quatre ans avec ses jeunes enfants dans son pays d’enfance, Emmanuel de Gouvello a découvert en province des valeurs qu’il n’avait pas forcément remarquées plus jeune dans sa vie de Parisien : « Il y a quoiqu’on en dise une joie de vivre. L’école est gratuite, le médecin est gratuit. La valeur commune à tout cela, c’est la fraternité. Et on l’oublie souvent. Les Français sont des râleurs fraternels et la France reste un pays incroyable pour éduquer ses enfants. »
Deux pays, deux mentalités, et son coeur balance. Éternel dilemme des expatriés, duquel Emmanuel de Gouvello aura cette fois-ci bien du mal à s’échapper !