Ils étaient venus au Québec pour y rester, envisageaient d’y faire leur vie. Puis la pandémie de Covid-19 est arrivée et tout a changé…
Orianne, pâtissière, arrivée à Montréal en avril 2018, se plaisait beaucoup au Québec. « Je me suis vite fait un groupe d’amis, j’ai beaucoup voyagé, un vrai kiff ! Mais là .. Je veux découvrir du pays, et je suis bloquée à Montréal !» Sans les amis et les loisirs, Orianne s’est rendu compte que sa vie montréalaise ne lui plaisait plus. Elle était venue pour découvrir les grands espaces, mais elle s’est trouvée confinée dans 25m2.
« Travailler, rentrer, puis rien… Je me sentais enfermée. Pour les personnes seules, la pandémie a été vraiment moralement compliquée ». Ne pas être libre de ses déplacements était pour elle une source de contrariétés supplémentaires. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase ? Deux de ses collègues sont rentrés pour les mêmes raisons. Alors à l’été, Orianne est retournée auprès de sa famille dans le Centre. « Je ne regrette rien, je suis bien entourée ici ». Surtout, la jeune femme de 26 ans dit se sentir libre « maintenant je me dis que je peux enfin sortir de chez moi sans être dépendante de la météo et des bus, c’est un sentiment génial ! ».
Cette férue de voyages avait pour projet d’obtenir la résidence permanente. Elle avait même lancé les démarches pour le CSQ, mais la pandémie a rebattu les cartes de son expatriation. « Même si j’étais en contact tout le temps avec mes amis, les messages commençaient à être moins présents, puis je m’inquiétais de plus en plus pour ma famille ». Même écho du côté de Manon, technicienne de 32 ans, qui s’est rendue compte cet été que son père était une personne à risque de la Covid-19. « J’ai réalisé que nos proches ne sont pas éternels. Je veux que mes enfants naissent en France et aient la chance de voir souvent leurs grands-parents ». Elle a décidé de rentrer définitivement à la fin de l’année, après 10 ans ici et une nationalité canadienne en poche.
Le chômage en France n’inquiète pas forcément les nouveaux impatriés. Si, en octobre, le taux de chômage en France était à 9,7% de la population active (+1,6 points de plus qu’en 2019) contre 7,4% au Québec (+2,5 points), pour beaucoup, la priorité est de retrouver ses proches … et le moral. « J’ai juste pensé à moi et à mon bien-être. Je préfère vivre cette angoisse près de mes proches. Dans mon secteur, l’alimentation, les boutiques restent ouvertes », raconte Orianne. Elle a d’ailleurs rapidement trouvé un emploi à plein temps dans sa région. Le chômage au Québec, bien que moins élevé que dans l’Hexagone, est en revanche une bonne raison pour partir. Rosalie, 28 ans, qui travaillait dans un établissement de bien-être, est sans emploi depuis la fermeture. Elle a décidé de rentrer en France, ne s’y retrouvant plus. « Au moins, je peux compter sur ma famille, je m’y sens en sécurité ». La Prestation Canadienne d’Urgence (PCU), a pris fin le 3 octobre.
Surtout, les contraintes des différents statuts d’immigration semblent peser plus en pandémie. Pour Oriane, c’est très clair : « Au moins, en France, je suis libre de changer d’employeur ! ». Paul, lui, quitte le Canada pas fâché contre le pays qu’il trouve « pétri de qualité », mais contre le système d’immigration. « L’eldorado que l’on nous vend depuis la France, je n’y ai jamais vraiment cru, même lors de mon arrivée il y a deux ans. Seulement, j’étais loin d’imaginer que le système immigratoire était autant à bout de souffle. » Après être arrivé avec un permis fermé Jeune Professionnel pour travailler dans les Laurentides, il s’est installé à Montréal, CSQ en poche, pour travailler dans une agence internationale, visant d’y rester quelques années pour obtenir une résidence permanente. « Je devais débuter cet emploi le 15 mars 2020. Le 16, le confinement a été annoncé… je n’ai donc commencé ce poste qu’en août ! ».
Éligible à la PCU, le jeune homme a préféré se trouver un emploi de livreur, « pour ne pas dépendre du système social » d’un pays où il était nouvel arrivant. En septembre, il lance les démarches pour la résidence permanente, mais en octobre, après deux semaines en France auprès des siens, le doute s’installe. « Je me suis rendu compte que la culture nord-américaine n’est pas celle que je préférais, et que la France est belle. Surtout, en répondant aux questions de mes proches concernant l’immigration canadienne, j’ai réalisé qu’en voulant rester au Québec, j’avais mis le doigt dans un engrenage avaleur de fric, de temps et de patience : l’immigration canadienne. » Si la Covid-19 a été l’élément déclencheur, pour Paul la raison de fond vient de la déception de l’immigration. « On lit partout que le Québec ouvre ses portes aux profils francophones. Ce que l’on ne dit pas, c’est que l’immigration vous assèchera financièrement et moralement. Pour rester au Québec, il vous faudra un CSQ (plus de 800 $) qui vous permettra juste de lancer votre demande de résidence permanente et de trouver un nouvel employeur qui acceptera de payer 230 $ pour vous embaucher après un délai d’attente de 2 mois environ et une fois que vous aurez payé votre permis 155$. Ensuite, la résidence ? Plus de 1200 $, et n’espérez pas avoir de nouvelles de votre dossier avant 2 ans. En attendant, vous travaillez pour un seul et unique employeur. Pour en changer, il faut l’autorisation de l’immigration… et un employeur qui réponde aux nombreuses conditions ».
En attendant, son dossier de résidence permanente est payé et envoyé. « Si ma demande est approuvée, dans 2 ans environ, alors peut-être que je réfléchirai à y retourner, mais pour le moment c’est un aller simple vers la France qui m’attend. »