Un vent de panique a soufflé vendredi 29 janvier chez des milliers de Français du Québec, suite aux doubles annonces franco-canadiennes relatives aux nouvelles mesures sanitaires.
D’abord, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a créé la surprise en annonçant une quarantaine de trois jours obligatoires à l’hôtel au frais des voyageurs, avoisinant les 2000$. Quelques heures plus tard, son homologue français Jean Castex a annoncé que tous les voyages « non impérieux » entre la France et les pays hors Union Européenne étaient interdits à partir du 31 janvier, y compris pour les Français de l’étranger.
Charles a réussi à passer entre les mailles du filet. Cet étudiant devait rentrer à Montréal poursuivre sa maitrise début février, mais il a réussi à changer son billet gratuitement grâce à l’aide de sa conjointe qui a appelé « Air Transat pendant les annonces de Justin Trudeau ». Une réactivité qui a fonctionné, puisque le jeune homme de 26 ans a pu partir lundi 1er février… après l’interdiction de voyage française, mais avant la quarantaine obligatoire à l’hôtel. « 2 000 $ pour trois jours à l’hôtel… ils ont cru que les hôtels d’aéroport étaient des Relais Château ? », s’indigne-t-il.
Isabelle n’a pas eu la même chance avec Air Transat. Contrairement à Air France et Air Canada, les avions de cette compagnie vont être cloués au sol jusqu’au 30 avril. Cette courtière en assurance devait rentrer en France le 12 février après deux ans d’absence pour aider sa mère octogénaire dans des démarches administratives. Déjà, préparer ce voyage n’avait pas été une mince affaire, entre la recherche de laboratoires privés à prix abordables pour faire un test PCR et sa chef étant réticente à l’idée de lui accorder une attestation. Mais vendredi soir, elle a reçu un courriel de la compagnie aérienne annulant et remboursant automatiquement les billets, sans report possible. Elle se dit prête à payer la quarantaine à l’hôtel s’il n’y avait pas d’autres options, mais s’indigne des motifs impérieux de voyage édictés par la France. « Mon frère est décédé au printemps pendant la pandémie sans que je puisse rentrer. Et maintenant, il faudrait que j’attende que ma mère meure pour rentrer ? C’est incohérent en plus, car les attestations de décès sont délivrées généralement après les funérailles ». Le père de ses deux adolescents étant retourné vivre dans l’Hexagone l’année dernière, elle s’inquiète : « que mes enfants puissent voir leur père après un an, ce n’est pas un motif impérieux ? ».
Le fait que la maladie de proches ne soit pas considérée comme motifs impérieux choque également Carole, dont la maman, en France, est handicapée. « C’est ridicule ! C’est une pandémie mondiale qui ne s’arrête pas aux frontières ! Si l’un de mes parents était hospitalisé, je n’hésiterais pas ». D’autres, comme Julie et Léo, trentenaires installés depuis deux ans, précipitent leur départ du Québec. « Nous ne sommes plus en accord avec les valeurs ici ». Isabelle aussi y a pensé. « Si je n’avais pas les enfants, je ferais comme ma meilleure amie : je rentrerais définitivement en France. Mais en famille, une impatriation, ça se prépare sur plusieurs mois ».
Audrey, mère de trois enfants, a pu rentrer début janvier après le décès de son père, résident en EPHAD. Elle aimerait retourner en France cet été soutenir sa mère, et que la septuagénaire puisse enfin voir ses petits-enfants. Seulement à cinq, impossible d’envisager de payer une, voire plusieurs chambres d’hôtel pour une quarantaine, surtout que la famille vient de payer les frais de leur dossier de résidence permanente. « On se sent un peu laissés pour compte. On espère que des exemptions seront mises en place s’agissant des mesures de quarantaine…et également que la France ne fermera pas la porte à ses ressortissants ».
Quant à Marianne, trentenaire salariée dans la communication, elle est aussi persuadée que des mesures d’exception seront rapidement annoncées côté français, mais ne décolère pas contre les mesures canadiennes, qu’elle juge « totalitaires » et qu’elle craint de voir s’inscrire dans la durée. Elle prend acte avec ironie : en créant un compte épargne dédié chez Desjardins, intitulé « Pour ma future quarantaine ».