Lorsqu’on s’installe au Québec, en tant que Français, la question linguistique est sans doute, paradoxalement, celle à laquelle on est le moins préparé. Certes, Au Québec, on parle français, la fameuse Charte de la langue française, loi 101, a été adoptée par l’Assemblée nationale du Québec en 1977, dans le but d’assurer la qualité et le rayonnement de la langue française l’impose, en faisant du français la langue de l’État, de l’enseignement, du commerce et des affaires. Mais le rapport à la langue y est néanmoins très différent de ce qu’il peut être en France. A l’ignorer, on s’expose à ne pas vraiment comprendre les Québécois, alors autant s’intéresser, sincèrement, à la question !
« Deux solitudes »
Vous pouvez être étonné par cette expression tellement locale. Une petite explication s’impose. Le Québec abrite une dualité linguistique profondément enracinée dans l’Histoire entre les francophones et les anglophones. Je vous invite à vous pencher sur la question historique pour mieux cerner les enjeux. Cette dualité, souvent appelée les “deux solitudes”, façonne la vie quotidienne, la culture et même la politique de la province ou encore le système d’éducation. On utilise cette expression pour illustrer le manque de communication et l’éloignement des deux groupes, les francophones et les anglophones.
Des mondes différents sur un même territoire
Comme Français, on peut se sentir un peu surpris par la complexité de la situation. Au Québec on parle français, mais il y a bien une population anglophone. Même pour l’éducation il existe deux mondes qui se croisent, mais ne se rencontrent pas forcément. Les écoles anglophones et francophones sont différentes et en tant que Français vous ne pouvez pas mettre vos enfants dans une école anglophone. Il y a des règles très strictes dans l’intention de préserver le français. Chacun aura une opinion, parfois un peu trop tranchée, sur le sujet. Mais surtout avant de vous embarquer dans le débat, assurez-vous de comprendre les enjeux profonds. Rien n’est pire que de donner votre opinion sur un sujet très délicat… sans être parfaitement au courant des tenants et des aboutissants !
Perfectionner votre anglais, ou pas
Pour tous ceux qui choisissent l’expérience québécoise, pour un trimestre étudiant, un PVT ou une immigration plus longue, le point linguistique aura immanquablement fait partie de la réflexion. Pour certains, le Québec francophone offre une facilité si on veut vivre en français, c’est un peu la porte d’entrée sur l’Amérique du Nord… mais en français. Pour d’autres, c’est justement l’idée que l’anglais soit à portée de main pour l’améliorer.
Mais la réalité peut être déconcertante au quotidien. Si vous désirez avancer dans la maîtrise de l’anglais, vous avez accès à de la formation de grande qualité par exemple avec les cours du soir des universités (à un coût conséquent). Mais si vous tentez de vous immerger dans la vie de tous les jours, c’est un défi. En effet, même si vous tentez de parler en anglais, les gens, en entendant votre accent, risquent rapidement de changer pour le français. Alors, oui la proximité de l’anglais est réelle, mais cela va vous demander de vous engager. Allez voir des films en anglais, plongez-vous dans la littérature, la télé, le théâtre, l’humour anglophones. Drawn & Quarterly est une maison d’édition fantastique pour ça. Utilisez votre bibliothèque de quartier pour tester magazines, films, bandes-dessinée mais en anglais. Tentez de vous faire des amis anglophones. Écoutez CBC pour les nouvelles. Il faut adopter le réflexe de se connecter au monde anglophone, sinon il ne viendra pas à vous par magie car vous avez toujours la facilité du français. Il y a aussi de nombreux jumelages linguistiques par exemple à l’Université de Montréal. En bref, tout est là pour améliorer votre anglais… pour autant que vous fassiez l’effort !
Au-delà de l’épineuse question des anglicismes
Les expressions idiomatiques québécoises font le bonheur, ou la stupeur, des Français qui arrivent dans la Belle Province, mais qu’en est-il des anglicismes S’il est vrai que les Français truffent leur langue d’anglicismes souvent inadéquats, voire ridicules, le français des Québécois n’est pas exempt d’anglicismes loin de là, mais ils sont différents. Les questions de la qualité du français, de la légitimité linguistique, du métissage, des emprunts linguistiques ou des régionalismes enflamment les esprits. D’aucuns se targuent de détenir le « vrai français ». Nous n’aborderons pas la polémique. Mais cela nous ouvre à la thématique interculturelle de la francophonie. Des organismes portent haut les couleurs de la francophonie comme Francophonie des Amériques, Francophonie Sans Frontières qui font un travail extraordinaire en alliant qualité du français et métissage interculturel.
Et l’anglais au travail ?
Il est vrai que vous pouvez travailler en français. Mais il est impossible d’ignorer la réalité économique selon laquelle la maîtrise de l’anglais est souvent un atout incontournable pour progresser sur le plan professionnel. Il se peut que certains postes n’exigent pas l’anglais, mais ne pas ajouter l’anglais à vote CV pourrait être un vrai frein à l’évolution de votre carrière. La connaissance de l’anglais devient une compétence essentielle pour accéder à des postes stratégiques. Alors plutôt que voir cela comme négatif, vous pouvez décider d’accepter le défi et de l’aborder comme une opportunité, une motivation pour améliorer votre anglais, it’s up to you my dear !
Le mieux peut être l’ennemi du bien
Au-delà de votre niveau d’anglais, le premier pas positif est d’adopter un état d’esprit qui fait partie intégrante du succès, ou de l’échec. En effet, une personne venant de France aura une vision du bilinguisme, des standards linguistiques bien arrêtés. Il n’est pas rare, à tort ou à raison, de rencontrer des Français qui se disent « nuls » en anglais. Or, au Québec, on a une approche pragmatique. Votre anglais est perfectible ? C’est à partir de ce niveau que vous allez pouvoir avancer, à vous d’être pro-actif. Pas besoin d’être parfaitement bilingue en arrivant. Lancez-vous dans l’apprentissage, mais surtout ne vous arrêtez pas. C’est le processus qui est primordial. Chaque pas compte.
Et au pire…
L’histoire d’Hannah incarne bien des approches culturelles différentes. Hannah avait un anglais basique en arrivant au Québec. Elle a décroché, grâce à un cv très conséquent, un entretien d’embauche pour une grosse organisation. La personne qui l’appelait pour fixer le rendez-vous, lui demande juste avant de raccrocher, êtes-vous parfaitement bilingue ? Hannah panique, elle est consciencieuse. Prise de court, avec ses standards français rigides, décline le rendez-vous car, non honnêtement, elle n’est pas bilingue. Des années après, elle a conscience qu’elle aurait dû aller à l’entretien, se frotter à la réalité, voir ce qu’il aurait pu en ressortir. Peut-être l’employeur aurait-il trouvé des palliatifs, lui aurait-il offert des cours d’anglais… Et au, au pire, cela n’aurait pas marché. Depuis, son rapport à la langue a évolué, son anglais aussi d’ailleurs. Mais c’est avant tout une approche culturelle différente entre la France et le Québec !
Le paradoxe
Ce paradoxe linguistique souligne la complexité de l’identité québécoise, tiraillée entre la préservation de la francophonie et la nécessité pragmatique de maîtriser l’anglais. Vous allez vivre cette réalité. La coexistence de ces deux impératifs peut créer une tension, mais elle reflète également la réalité quotidienne d’une société dynamique en constante évolution. Comment allez-vous vous positionner ? Quelle est votre stratégie pour l’anglais ? L’important est que vous choisissiez en conscience, ce qui vous convient. Mais aujourd’hui, le français demeure le dénominateur commun culturel du Québec. Il s’agit d’une identité rassembleuse pour les gens, toutes origines confondues dont les Français.