La plupart des créateurs vendus dans sa jolie boutique de l’avenue Laurier Est, Elisheva San Nicolas les a rencontrés au salon Maison&Objet à Paris. C’est son mari français, Guillaume Marchal, qui l’a poussée à réaliser un vieux rêve en ouvrant son repaire de petites marques européennes à Montréal il y a bientôt trois ans. Aujourd’hui devenue selon La Presse « l’une des adresses de décoration préférée des Montréalais », la boutique Cœur d’Artichaut vise plus loin qu’une clientèle de quartier grâce à son e-shop ouvert depuis octobre et à des projets créatifs.
Elisheva San Nicolas avait eu un coup de cœur pour l’adorable boutique occupant « un coin de rue » dans la comédie romantique Vous avez un mess@ge (You’ve got mail en anglais). Mais la jeune femme – qui s’est installée à Montréal après une enfance faite d’expatriations et de voyages entre le Mexique, le Canada et l’Europe – commence sa carrière dans les ressources humaines. Elle s’apprête à déménager à Montpellier lorsqu’elle rencontre, à 32 ans, Guillaume Marchal. Le natif de Lorraine, qui travaillait dans le marketing digital à Paris, est aussi un grand amateur de voyages et vient de s’installer à Montréal.
Les deux tourtereaux poursuivent tranquillement leur carrière en parallèle, mais l’arrivée de leur fille Scarlett va chambouler ces chemins balisés. « Nous voulions nous créer une vie moins traditionnelle, qui nous permette de continuer à voyager et de pousser les limites de ce que nous étions capables de faire », raconte Elisheva San Nicolas. Son congé de maternité la pousse à réfléchir, et son mari lui rappelle son vieux rêve d’ouvrir une boutique. En quatre mois, la passionnée de déco avait déjà trouvé le local (en coin de rue, comme dans le film) et échafaudé son plan d’affaires pour Cœur d’Artichaut – ouvert en juillet 2017 – que son mari rejoindra à plein temps deux ans plus tard.
Des produits uniques
Car l’entrepreneuse a détecté un besoin au Canada, où beaucoup de marques européennes ne sont pas représentées. « Je souhaitais une boutique très personnelle qui ramènerait tous les décors que j’ai vus enfant en France, en Espagne et au Mexique, avec des produits d’artisans et des matières nobles, sans tomber dans les clichés de la boutique d’artisanat », raconte la Mexicaine. Dans la boutique de produits pour la maison – avec quelques articles de mode et un coin dédié à l’enfant -, le lin est en vedette à travers les marques françaises Linge Particulier et Gabrielle Paris. « La grande majorité de nos fournisseurs sont des PME avec lesquelles nous créons des synergies, dont presque 90% de marques créées par des femmes », précise Elisheva San Nicolas. Ces marques importées majoritairement d’Europe ont toutes un point commun : elles n’ont pas touché le sol canadien avant d’entrer chez Cœur d’Artichaut.
C’est d’ailleurs l’un des points forts de la boutique, explique Elisheva San Nicolas, qui part débusquer la plupart de ses « produits uniques » au salon parisien Maison&Objet. Reste ensuite à convaincre les marques d’être représentées au Canada, avec les difficultés que cela suppose en termes de transport, de normes (électricité, formats de literie, inflammabilité etc) et de prix. « C’est très difficile d’expliquer aux Européens que l’on n’est pas à New-York, mais à Montréal. Ce n’est pas la même clientèle et il faut garder un prix réel. Notre challenge est de faire venir des produits européens de qualité pour les vendre à un prix équitable ici », commente la propriétaire. Avec une offre allant de 5-6$ les fleurs séchées odorantes à 2.300$ le meuble Sarah Lavoine, l’éventail proposé est large.
« N’ayez pas peur de l’inconnu »
Si la boutique a attendu plus de deux ans pour ouvrir son e-shop, cette étape était « incontournable », d’après Guillaume Marchal. À côté de son activité de vente, la boutique se lance dans la création de quelques modèles exclusifs, comme par exemple les grandes suspensions en osier dessinées par Elisheva San Nicolas, en partenariat avec la marque tunisienne Gharyan. Elle les a d’ailleurs utilisées dans le cadre de son autre activité : le conseil en décoration, chez les particuliers et les professionnels comme Reitmans, qui a installé ces suspensions naturelles dans ses boutiques.
Alliant leurs compétences respectives en design et en marketing digital, le couple se complète parfaitement. Leur conseil pour ceux qui souhaiteraient ouvrir un commerce à Montréal ? « Il faut connaitre son environnement et comprendre sa cible, car les quartiers sont très différents et marqués, recommande Guillaume Marchal. Le réseautage est beaucoup plus facile qu’en France, ajoute le Lorrain. Présentez votre projet dans les nombreux évènements organisés et s’il y a une opportunité d’affaires, elle va tomber dans l’oreille de quelqu’un d’intéressé très rapidement. » Sans s’encombrer de complexes, précise son épouse : « C’est un peu cliché de dire cela, mais en Amérique, tout est possible. N’ayez pas peur de l’inconnu ou de ne pas savoir comment faire les choses pour démarrer. On fait des erreurs, mais on apprend ! »