Le Musée des beaux-arts de Montréal nous offre un voyage inédit dans la France au tournant du XXe siècle avec son effervescence artistique et sociale. L’exposition Paris au temps du postimpressionnisme : Signac et les Indépendants met en perspective l’évolution artistique, le choc des courants culturels et les mutations majeures au sein des différents strates de la société française. Montréal peut se vanter du privilège de la création de cette exposition majeure.
Du Pointillisme à la gouaille des cabarets populaires parisiens
À travers plus de 500 œuvres issues d’une collection privée d’exception, le public peut découvrir une impressionnante et très large diversité de peintures et d’œuvres graphiques de Signac et des avant-gardes : des impressionnistes (Degas, Monet, Morisot, Pissarro) aux fauves (Dufy, Friesz, Marquet, Vlaminck), en passant par les symbolistes (Gauguin, Redon), les nabis (Bonnard, Denis, Lacombe, Sérusier, Ranson, Vallotton), les témoins de la vie parisienne (Anquetin, Ibels, Steinlen, Toulouse-Lautrec), cubistes (Picasso, Braque), expressionnistes (Feininger, Heckel) et les néo-impressionnistes (Angrand, Cross, Hayet, Lemmen, Luce, Seurat, Van Rysselberghe). Il y en a pour tous les goûts…
La recherche picturale et le désir d’une justice sociale pour s’affranchir des postulats conformistes
L’exposition nous permet de mieux comprendre les enjeux sociaux et artistiques de l’époque. Cette mise perspective cerne avec justesse les motivations qui ont poussé, en 1884, le groupe d’artistes mené par Signac à créer le Salon des Indépendants. Ils y défendent l’idée d’une exposition « sans jury ni récompense ». Pour eux, l’art se devait d’être accessible et contribuer au bien commun. Dès son inauguration en 1884 jusqu’à la Première Guerre mondiale, le Salon a incarné le carrefour de grands courants : néo-impressionnisme, mouvement des Nabis, symbolisme, fauvisme et cubisme. L’exposition situe ces Indépendants dans le bouillonnement du contexte socioculturel et politique parisien de la Belle Époque. « Le Paris de la Belle Époque n’était pas facile pour tout le monde, nous avons voulu ancrer ces artistes dans une réalité sociale forte, explique Gilles Genty, historien de l’art et co-commissaire de l’exposition. Les artistes et la société sont indissociables, cela rend une exposition plus intéressante »
Un mystérieux collectionneur
Le collectionneur qui a partagé ces trésors, et qui désire garder l’anonymat, posséde la plus importante collection d’œuvres de Paul Signac et de néo-impressionnistes au monde. Hormis les œuvres de sa collection privée, il y a aussi deux rares prêts provenant des archives des descendants de Paul Signac qui font partie de l’exposition. Il s’agit du portrait Paul Signac en yachtman (1896) de Théo Van Rysselberghe (1862-1926), et d’une esquisse pour Au temps d’Harmonie (1893), de Signac, qui permet au public d’en apprendre plus au sujet de ce chef-d’œuvre inamovible, les dimensions (3,10 x 4,10 m) du tableau final ne permettant hélas pas son transport.
Voyage sonore
Marie-Claude Sénécal, réalisatrice à Ici Musique, a conçu la trame sonore qui accompagne l’exposition et nous permet d’être immergés dans les différents courants musicaux de Satie à Ravel, de Debussy aux cabarets avec Aristide Bruant ou le french cancan. Heureuse initiative également, un audioguide téléchargeable gratuitement à l’aide de l’application mobile du Musée, est également proposé pour accompagner les visiteurs dans leur découverte des œuvres et du contexte social de l’époque. Ne pas oublier vos écouteurs !
Pour cause de Covid, il vous faut réserver vos billets en ligne, mais le résultat est que le flot est très fluide. On visite en très petit comité, un luxe rare pour une exposition de cette qualité. Lors de ma visite, nombreuses étaient les familles avec des enfants de tous âges, une bien belle manière d’initier petits et grands à l’expérience culturelle ! En complément de l’exposition, le Musée offre des ateliers créatifs en ligne pour que les enfants puissent explorer concrètement (gravure, couleurs et paysages), parfait pour occuper vos petites têtes blondes avec une saveur artistique estivale.
Paris au temps du postimpressionnisme : Signac et les Indépendant au Musée des beaux-arts de Montréal, jusqu’au 15 novembre 2020.