Nous vous avions annoncé ici la venue d’Alexis Moncorgé, acclamé par la critique en France et récompensé par le Molière de la révélation masculine en 2016 pour sa pièce “Amok”, d’après la nouvelle de Stefan Zweig. S’il a le jeu d’acteur dans ses gènes, le petit-fils de Jean Gabin, passionné de théâtre, s’est fait connaître du grand public en se créant lui-même un rôle sur mesure, qu’il est venu présenter pour la 300ème fois sur scène à Montréal. Un monologue entêtant qui nous a émus et conquis.
Alexis Moncorgé n’est pas du genre à proclamer sa filiation pour obtenir un rôle. Son enfance passée dans le Perche avec ses parents éleveurs de chevaux, l’a tenu à distance des planches parisiennes. Mais chez les Moncorgé, on ne manquait pas de regarder beaucoup de vieux films à la télévision, et pas seulement ceux du grand-père, parmi lesquels l’acteur apprécie particulièrement “Le jour se lève”. “Il y a des périodes historiques du cinéma, d’avant-guerre et d’après-guerre qui ont marqué mon enfance et mon adolescence. J’ai eu la chance d’être éduqué au cinéma très jeune“, se réjouit-il.
Très tôt, le jeune Alexis sait qu’il veut faire du théâtre, mais il prend son temps. “Ma mère m’a intelligemment dit : tu vas te structurer le cerveau et faire des études avant d’arriver à Paris comme un provincial pour prendre des cours de théâtre“, se souvient-il. C’est donc après des études de lettres et de sciences politiques qu’il s’installe à Paris pour s’inscrire dans une école de théâtre. Il décroche quelques rôles mais les cumule avec un petit emploi de barman pendant plusieurs années “pour remplir le frigo“, dit-il.
Il décide alors de monter sa propre pièce. “Je ne me sentais pas à ma place à 28 ans. Comme personne ne me proposait de projet qui m’excitait, je me suis dit qu’il fallait prendre les choses en main“, raconte l’acteur.
Il se met à la recherche d’un monologue. “Je voulais une prise de risque, bouffer de la scène (…), commente Alexis Moncorgé. Un monologue ça peut être très mauvais, on est vraiment sur un fil. Il y un rapport avec le public et si on ne le tient pas, le spectacle s’écroule (…). Mais il y en a aussi de formidables. Ce sont Jacques Gamblin et Philippe Caubère qui m’ont donné envie d’allier la puissance narrative à la poésie et d’utiliser le corps”, confie-t-il.
Après avoir beaucoup cherché, la lecture de la nouvelle “Amok”, de Stefan Zweig, convainc l’acteur, “page après page”, qu’il a trouvé son rôle. “J’aime cette ambiance exotique qui est le terreau pour raconter des histoires et des états extraordinaires. Il y a la fièvre, la torpeur, l’inconnu, quelque chose de fantasmagorique qui est proche du rêve pour nous, occidentaux. Et puis il y a cette histoire d'”amok”, de folie passionnelle, d’une rencontre improbable avec une femme et d’un conflit de deux ego”.
L’acteur vide alors toutes ses économies contenues dans son plan Epargne-Logement, pour tenter ce qu’il décrit comme un “coup de poker”. Et il sort un carré d’as ! D’Avignon au Théâtre de Poche à Paris, le public est enthousiaste, les critiques élogieuses, et Alexis Moncorgé remporte le convoité Molière de la révélation masculine pour ce rôle passionnant et exigeant. Une aventure risquée et romanesque dont le dénouement heureux tire des larmes à son père.
Pour son tout premier voyage au Québec, il se dit “ravi de l’accueil très chaleureux“. Lors de la première et le lendemain, soir de la 300ème représentation de la pièce, l’acteur avait droit à une standing ovation. L’aventure d'”Amok” se poursuivra ensuite à San Francisco, où il se produira au Lycée Français, puis en Asie, avant de revenir à Avignon cet été pour clore cette tournée.
La suite dépendra des passions de l’acteur qui se décrit comme un “flibustier“. “Je ne me considère pas comme artiste mais comme artisan. Je fonctionne au coup de coeur, à l’envie“, confie-t-il. Contrairement aux personnages de Zweig, ses passions peuvent le mener haut et loin !