S’il y a bien un mot qu’Alexandre Mars n’aime pas, c’est “philanthropie“. “Il y a des gens qui disent que c’est un terme guindé, réservé aux hautes-sphères, dit-il dans les locaux de sa fondation, Epic. Nous, nous voulons démocratiser ça. Nous disons: tout le monde peut donner“.
Ce message est au coeur de son nouveau livre La révolution du partage (Giving: Purpose Is The New Currency), sorti récemment en France, aux Etats-Unis et en Angleterre. Dans cet ouvrage facile à lire, le “Bill Gates français”, comme la presse le surnomme, plaide pour un monde où le partage – terme qu’il préfère donc à “philanthropie” – est la norme. Ce n’est pas qu’une question de générosité. C’est aussi une urgence pour relever les défis sociaux, économiques et climatiques présents et futurs. “Le monde va devoir se ré-inventer. En 2025, la moitié des métiers de 2019 n’existeront plus. Des millions de personnes vont continuer d’émigrer… On ne peut pas rester dans un monde de Picsous où l’on se dit “j’ai, je veux plus, je garde”. Ce monde-là a montré ses limites. Si on ne partage pas plus, on ne pourra pas répondre aux défis face à nous“, affirme-t-il.
Pour écrire cet ouvrage, Alexandre Mars a notamment puisé dans l’Histoire, la religion et les bonnes pratiques de partage dans le monde. Il se base aussi sur son expérience à la tête d’Epic, la fondation qu’il a lancée en 2015 après avoir fait fortune dans l’univers de la publicité et du mobile. Au sein de cette structure basée à New York, il récolte des fonds pour un nombre limité d’associations caritatives et permet aux donateurs de mesurer l’impact de leur don à travers une batterie d’indicateurs. Une manière d’encourager les personnes frileuses à donner plus et plus efficacement. L’an dernier, Epic a revu 4.000 dossiers de la part d’organisations souhaitant bénéficier du réseau de donateurs de la fondation. Seules cinq ont été retenues.
Ce nouveau livre est conçu comme “un appel à l’action” de la part d’un “homme révolté par l’injustice“, comme il se décrit dans l’ouvrage. Sa cible: les individus certes, mais aussi des entreprises. Epic milite notamment pour que ces dernières mettent en place des systèmes d’arrondis en caisse ou sur salaire, pour permettre aux clients ou aux employés de donner une fraction de leur facture ou revenus à une cause. “Les gouvernements sont arrivés à la limite de ce qu’ils peuvent dépenser. Les entreprises sont le nouveau pouvoir financier. Elles doivent intégrer le partage dans leurs pratiques“, lance Alexandre Mars.
L’homme d’affaires n’est pas contre l’intervention des pouvoirs publics pour pousser le secteur privé à faire cette transition. Ainsi loue-t-il la “Proposition C” adoptée à San Francisco en septembre qui autorise le conseil municipal à taxer certaines entreprises locales pour financer la lutte contre le sans-abrisme. Ou encore la loi indienne de 2014 qui oblige les entreprises de plus de 105 millions de dollars de chiffre d’affaires à donner 2% de leur bénéfice net à la charité.
Mais, poursuit-il, le changement viendra avant tout de la pression exercée par la nouvelle génération de consommateurs et d’employés. “La génération de mes parents, celle de la Guerre mondiale, était la génération du devoir. La mienne, c’est celle de l’avoir. Celle d’après, c’est celle de l’être. Elle a une vision plus large et communautaire. Elle veut travailler pour une entreprise dont elle est fière“, résume-t-il.
La prise de conscience est là, Alexandre Mars le ressent à son niveau. Depuis la publication de son livre, il dit recevoir des “tonnes de messages” provenant de France et des Etats-Unis de la part d’entreprises qui disent vouloir instaurer des systèmes de partage. Lors de ses interventions dans les universités, il rencontre des jeunes qui veulent promouvoir l’arrondi en caisse auprès de leur supermarché ou pousser leur employeur à se lancer dans le don. “On veut que tout le monde se reconnaisse dans le partage, conclut Alexandre Mars. Nous voulons faire une société où la solidarité est naturelle”.