Après quelques années passées au Canada, plusieurs Français sont devenus fiers propriétaires. Mais quand vient le temps de repartir — vers la France ou d’autres horizons — une grande question revient : faut-il louer son bien ou le vendre ? Derrière cette décision se cachent des enjeux fiscaux importants. Impôts à payer comme loueur, taxes à prévoir si vous vendez : on a décortiqué tout ça pour vous aider à faire un choix éclairé.
Première étape essentielle : déclarer son départ du Canada
« La première étape, avant de partir, est de préparer la liste déclarative des biens possédés […] qui comprend tous les biens immobiliers au Canada et à l’étranger », explique Éric Lescure, conseiller fiscalité France-Canada chez Services d’Acadie. Sur cette base, un propriétaire pourrait être soumis à un impôt de départ. À noter : seuls les biens situés à l’étranger peuvent être visés par cet impôt.
Un non-résident du Canada ne peut pas conserver une résidence principale au Canada. Le jour du départ, un changement d’usage s’opère et la résidence principale devient automatiquement un bien servant à gagner un revenu, selon Éric Lescure.
« Faire mention de la résidence principale dans les biens que l’on possède et faire la déclaration du changement d’usage ne génère naturellement aucun impôt supplémentaire. Mais ne pas le faire entraîne des pénalités particulièrement salées », souligne toutefois ce dernier.
En quittant le Canada pour s’installer fiscalement dans un autre pays, les propriétaires qui tirent des revenus de leur bien deviennent des non-résidents fiscaux. « Il faut alors mettre tout un environnement en place », poursuit le conseiller.
Voici une calculatrice de l’impôt des non-résidents, proposée par le gouvernement du Canada. Elle est pratique pour estimer ce que vous aurez à payer sur un revenu gagné au Canada, en tenant compte de votre pays de résidence et des impôts que vous avez déjà payés ailleurs.
Bon à savoir : le Canada a signé des ententes fiscales avec 84 pays, ce qui permet souvent d’éviter d’être imposé deux fois sur le même revenu.
Mettre son bien en location : deux options
Si vous décidez de louer votre bien, deux options s’offrent à vous.
Option 1 : payer un impôt mensuel de 25% sur les revenus bruts
La première solution, la plus « autonome », est celle qui est appliquée par défaut par l’Agence du Revenu du Canada (ARC). Les revenus de type loyers sont assujettis à l’impôt de la partie XIII. « [Pour toute personne qui quitte le Canada et continue à y percevoir des revenus], il va falloir obtenir [par téléphone] auprès de l’ARC un numéro fiscal de non résident [qui commence par NR], qui va être lié au bien en location », poursuit Éric Lescure.
À partir de ce moment-là, le contribuable va devoir envoyer 25% du loyer brut tous les mois à l’ARC. « Arrivé à la fin de l’année, le contribuable va demander à l’ARC un quitus fiscal qui prouve qu’il a bien payé les 25 % d’impôt sur le loyer », ajoute ce dernier. Son obligation fiscale envers le Canada s’arrête au moment de l’obtention du Quitus fiscal [le NR4].
L’impôt est calculé sur le loyer brut perçu, avant que le propriétaire n’ait déduit les frais admissibles comme les intérêts d’hypothèques ou les frais de copropriété, par exemple. Si le contribuable veut obtenir un remboursement de l’impôt payé en trop, il a deux ans pour produire une déclaration selon le choix prévu par l’article 216 (jusqu’au 31 décembre 2026 pour une location faite en 2024 par exemple). L’impôt sera alors recalculé et donnera lieu à un remboursement sur la différence entre l’impôt sur le loyer brut et l’impôt sur le loyer net.
Ces démarches sont d’ailleurs à faire pour chacun des copropriétaires du bien : s’ils sont deux, chacun devra obtenir un numéro NR et déclarer 50% du montant des revenus.
Vous devrez toutefois être prêt à vous armer de patience. « L’ARC peut mettre plus d’un an avant de faire le remboursement d’impôt, cette option-là nécessite donc une avance de trésorerie », prévient Éric Lescure.
Option 2 : payer un impôt mensuel de 25% sur les revenus nets
L’autre option est celle nommée « choix prévu à l’article 216 » par l’ARC. Elle vous permet de payer mensuellement 25% d’impôt sur le revenu net de votre location plutôt que sur votre revenu brut.
« Cette solution implique toutefois que vous trouviez ce qu’on appelle un agent canadien, une personne qui va être votre représentante et qui va faire elle-même les démarches auprès de l’ARC, explique M.Lescure. Dans ce cas-là il n’y aura qu’un seul numéro NR lié à l’agent et au bien en location. »
Le non-résident et l’agent vont devoir remplir le formulaire NR6 auprès de l’ARC, où ils s’engagent à produire une déclaration de revenus et où ils indiqueront le prévisionnel des loyers nets. Une fois que l’ARC a approuvé le formulaire envoyé pour une année, il faudra produire la déclaration au plus tard le 30 juin de l’année suivante. Si l’impôt retenu sur le revenu net a été trop important, l’ARC remboursera la différence par la suite.
Cependant, il faut avoir un parfait lien de confiance avec cette personne, rappelle M.Lescure, car, si les contribuables ne payent pas leurs impôts, c’est cette personne qui devra les verser à l’ARC.
Jean-François Poulin, associé chez Raymond Chabot Grant Thornton, rappelle que 18% du revenu locatif gagné au Canada est admissible à une cotisation dans ses REER, jusqu’à concurrence du montant maximum annuel, et ce même pendant une période de non-résidence.
Une charge mentale à considérer
Si vous optez pour la location de votre bien et que vous partez à l’étranger, vous devrez prendre en compte la gestion de vos locataires et les rénovations à venir. Vous devrez gérer de loin, ou avoir des personnes de confiance sur place pour assurer ces engagements. « Ça peut entraîner une certaine charge mentale et il faut être capable de vivre avec ça », avertit Éric Lescure.
Et si vous décidez de vendre ?
Jean-François Poulin explique que lorsqu’un propriétaire décide de vendre un logement qu’il a déjà mis en location, il devra peut-être payer de l’impôt sur la partie du gain en capital réalisée pendant la période où le logement était loué.
Prenons un exemple : si quelqu’un a acheté un appartement 400 000 $ en 2020 et le revend 500 000 $ en 2030, il a donc fait un gain de 100 000 $. Si le logement a été loué pendant cinq de ces dix années, il devra payer de l’impôt sur la portion du gain liée à ces années de location. Dans cet exemple, cela pourrait représenter 50 000 $. À noter que seulement la moitié de ce montant est imposable, selon les règles en vigueur.
Si la vente est réalisée alors que les propriétaires sont non‑résidents, une partie du produit de la vente sera retenue par le notaire, le temps que l’ARC vérifie que les vendeurs ont bien payé leurs impôts.
D’ailleurs, si vous décidez de revenir vivre dans un logement que vous aviez mis en location, vous devrez aussi payer cet impôt sur le gain en capital pendant la période où vous l’avez loué. « C’est comme si on se revendait son bien à soi-même », illustre M. Lescure.