Perruques pour les femmes, papillotes pour les hommes. Dans l’imaginaire français, ils sont directement associés à Rabbi Jacob. À Montréal, joyau multiculturel, les juifs hassidiques ont élu domicile dans le Mile End et à Outremont, principalement. Pourquoi ? C’est notre “question bête” de la semaine. Décryptage en compagnie de Sandrine Malarde, sociologue française arrivée au Québec en 2006, qui y a consacré un mémoire de maîtrise et un ouvrage, La vie secrète des hassidim.
“Quand je suis arrivée à Montréal, la présence de ces communautés m’a complètement fascinée. Ce côté hermétique au temps qui passe, cette idée de vouloir répondre à la tradition, de résister à toutes influences, etc. Qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils là ? Quelle est cette langue ? Je voulais tout savoir”, se souvient Sandrine Malarde qui pensait que toutes les femmes avaient la même coupe de cheveux, avant de comprendre qu’il s’agissait de perruques.
Pour y voir plus clair, un peu d’histoire s’impose. C’est après la Seconde guerre mondiale, pour fuir l’holocauste et la persécution des juifs en Europe, que les premières communautés hassidiques sont venues s’établir à Montréal. “Ils viennent, pour la grande majorité, de l’Europe de l’Est : raison pour laquelle ils parlent le yiddish, un dialecte allemand qu’on parlait là-bas”, explique la spécialiste française.
Pourquoi Montréal et certains quartiers en particulier ? Parce que c’est une grande ville et que les premiers leaders spirituels sont arrivés là au début du 20e siècle, dans les années 1900. “Il s’agit aussi d’une communauté qui a besoin de s’organiser autour de la solidarité et de la survie, et donc de se retrouver au sein de mêmes quartiers. Il faut qu’il y ait des écoles à proximité autant que des lieux de prières et des commerces adaptés”, confie la sociologue qui dénombre plusieurs communautés, groupes et sous-groupes de juifs hassidiques dans la métropole.
Si la majorité d’entre eux habitent le Mile End et Outremont, certains vivent également proche de Snowdon et de Côte-des-Neiges. D’autres ont trouvé leur place autour de Montréal : à Sainte-Agathe-des-Monts et à Boisbriand, par exemple. “Il est certain que le faible taux de criminalité à Montréal, et dans les villes aux alentours, doit aussi les rassurer”, estime la diplômée de l’Université de Montréal.
Des coutumes du 17e/18e siècle et une destinée tracée à l’avance
Lorsqu’on les croise pour la première fois, c’est leur apparence qui saute aux yeux. Elle répond d’ailleurs à deux codes vestimentaires distincts : l’un pour l’homme, l’autre pour la femme. “Cela remonte à une coutume du 17e/18e siècle, c’est de cette manière qu’on s’habillait autrefois en Europe de l’Est. Noir et blanc pour les hommes pour des questions de modestie car on ne veut pas se faire trop remarquer. Ce qui peut paraître paradoxal puisque qu’ils dénotent parfois dans le paysage !”, avoue l’experte qui précise qu’à partir de 3 ans, les garçons portent aussi la kippa.
Au sein de ces familles nombreuses de la communauté juive ultra orthodoxe — les femmes ont parfois jusqu’à 10 enfants —, l’interprétation stricte et littérale des textes sacrés devient un mode de vie et de comportements. “On se marie entre juifs hassidiques (…), on travaille dans des jobs propres aux communautés hassidiques, etc. À moins d’en sortir, on ne fait pas ce qu’on veut (…)”, raconte Sandrine Malarde selon qui, pour certains, tout cela relève de la coutume informelle, pour d’autres, cela émane de véritables textes de lois.
Les femmes, quant à elles, s’en tiennent à un code de modestie plus ancré et plus strict que celui des hommes : pas de pantalon (jupe sous les genoux), manches longues, pas de décolletés, perruques ou crâne rasé avec turban. À cela s’ajoute l’obligation de se raser les cheveux ou de couper ses cheveux très courts le jour du mariage. “Les cheveux ont toujours été considérés comme sexuellement provocants, c’est le cas pour d’autres religions aussi. (…) Cela peut également faire écho à la mémoire de l’holocauste où, pour les humilier, on rasait la tête aux hommes et femmes juifs”, nuance l’auteure française. Pour les hommes, le chapeau (obligatoire) va déterminer à quel groupe ils appartiennent, chaque détail compte.
Enfin, si vous vous demandez encore ce que peuvent bien symboliser les papillottes de cheveux que les hommes juifs hassidiques arborent fièrement, la réponse est simple. “Cela représenterait les canaux de Dieu : la rigueur d’un côté et la bienveillance de l’autre. C’est leur manière de rester connectés à Dieu”.