Vos collègues québécois vous ont peut-être déjà proposé de participer à un “5 à 7” en tout bien tout honneur quand bien même, en tant que Français fraîchement débarqué au Québec, vous pensiez déjà faire face à la légendaire “ouverture d’esprit” canadienne. Et puis, vous avez fini par réaliser que vous aviez l’esprit (plus) mal placé (que prévu), inutile de nier.
En France, l’expression est particulièrement connotée et renvoie explicitement à un rendez-vous coquin et autre partie de jambes en l’air. Dans le dictionnaire du Petit Robert, le “cinq à sept” est défini comme une “réception, réunion d’après-midi ; plus couramment, rendez-vous érotique dans l’après-midi. Exemple : Il a dû se l’envoyer pendant un petit cinq à sept, dans un hôtel du quartier (R. Guérin).”
Au Québec, comme l’explique Jean-Pierre Le Blanc, porte-parole de l’Office québécois de la langue française (OQLF), l’emploi du terme cinq à sept (ou cinq-à-sept) est utilisé pour désigner une rencontre de collègues ou d’amis qui prennent l’apéritif en fin d’après-midi, ni plus ni moins. “Il semble s’agir d’une extension de sens à partir d’un emploi attesté en français depuis au moins 1882”, assure le spécialiste.
Le Trésor de la langue française informatisée (TLFi) dégage également un autre emploi par extension : “1. Réunion mondaine de fin d’après-midi. 2. ext. Rendez-vous galant de fin d’après-midi. Exemple : J’ai sacrifié, moi aussi, à l’adultère, (…). Passionnettes, mensonges, cinq à sept, petits péchés sans crime, la cochonnaille parfumée. A. ARNOUX, Paris-sur-Seine, 1939, p. 264.”
Dans la presse européenne (d’après Eureka), la majorité des occurrences de cinq à sept correspond au sens de “rendez-vous coquin”, mais on y trouve quand même quelques contextes où le sens semble être très proche du sens québécois. “Il n’y a donc pas lieu de voir une influence de l’anglais pour expliquer l’origine du sens québécois de cinq à sept. La locution five to seven n’a été relevée dans aucun des dictionnaires consultés”, confie Jean-Pierre Le Blanc qui trouve par ailleurs intéressant de noter que cette locution française est utilisée dans le même sens en anglais, notamment dans la presse anglophone canadienne.
C’est dans la chronique “Au fil des mots” (Le Devoir) que Louis-Paul Béguin écrivait ceci : “L’expression nouvelle « Happy hour » qui fut récemment à l’honneur à la télé, Chez Denise, ne se dit pas en français « Heure joyeuse ». On peut très bien parler de « Cinq à sept » puisqu’il s’agit du temps (une ou deux heures) passé après le bureau dans un bar à bavarder, un verre d’apéritif à la main.”
À cela s’ajoute le fait que, toujours selon Jean-Pierre Le Blanc, les heures habituelles de travail ne sont généralement pas les mêmes au Québec qu’en France. Au Québec, la période de 17h à 19h correspond à celle suivant l’heure à laquelle de nombreuses personnes terminent leur journée de travail. “Le concept de cinq à sept correspond à celui d’heures festives (happy hour en anglais), cette période de la fin de l’après-midi durant laquelle les restaurants et bars offrent souvent des rabais sur les boissons alcoolisées”, explique le porte-parole de l’Office québécois de la langue française (OQLF).
Finalement, le concept de “cinq à sept” ou “heure festive” peut en partie correspondre à celui de “pot” (dont le sens ne fait pas partie de l’usage général au Québec) tel qu’il est décrit dans les dictionnaires usuels français : “Fam. Réunion autour d’une boisson, notamment dans une collectivité professionnelle. Cocktail. Exemple : Inviter qqn à un pot. Faire un pot d’adieu. (Petit Robert).”
Et vous, c’est quand votre prochain 5@7 québécois (ou français…) ?