Le moins qu’on puisse dire c’est que son expression ne passe pas inaperçue. Des oeuvres grandes comme des immeubles -logique, elle peint sur les façades. Delphine Dussoubs, artiste multidisciplinaire franco-canadienne, plus connue sous le nom de Dalkhafine, s’est fait une place sur la scène artistique montréalaise avec ses murales très colorées.
Et pourtant, il lui a fallu du temps avant, dit-elle, « que je me sente capable de retranscrire mes illustrations en grand format ». Lorsqu’elle arrive à Montréal en 2013, après des études en arts appliqués et cinéma d’animation en France, puis un début de carrière dans la publicité à Lille, elle se dirige d’abord vers les animations visuelles sur scène (le VJing pour les connaisseurs), qu’elle a découvert après une rencontre avec l’artiste Loup Blaster. Elle intègre Moment Factory, un studio multimédia montréalais réputé à l’international où elle travaille sur des projets de live show. Rapidement, elle est contactée par Yohan Lemoine (Woodkid) pour travailler sur le spectacle de Pharell William à Coachella en 2014. « J’avais beaucoup de pression, car c’était la première fois que je travaillais pour un si gros client », confie-t-elle.
La même année elle découvre la chanteuse Jain sur le plateau du Grand Journal. Persuadée que sa musique irait bien avec son style visuel, elle contacte son manager. Il cherchait justement quelqu’un au Canada qui avait travaillé avec « de gros noms » pour développer l’univers visuel de Jain. Désormais habituée aux grands défis, elle crée une équipe de trois motions designers. « On a cravaché pendant un mois pour créer le show de Jain », raconte-t-elle.
En manque d’inspiration, elle revient vivre à Paris dans le but de développer son style graphique. C’est après plusieurs mois, au cours desquels elle dessine énormément, qu’elle lance son nom d’artiste, Dalkhafine. « Je pouvais me vendre comme artiste et pas juste comme technicienne », raconte-t-elle.
Elle travaille alors sur des affiches de festival de musique. « J’ai découvert que je faisais de la synesthésie ; quand j’écoute de la musique, mon cerveau crée des images », précise-t-elle.
Puis, une collaboration sur la collection de vêtements d’une marque montréalaise lui ouvre les portes du marché de l’art. La galerie montréalaise Station 16 Éditions lui propose alors de créer deux sérigraphies en éditions très limitées. « Cela m’a permis d’inclure mon nom en tant qu’artiste et de me sentir plus légitime », confie-t-elle.
La même année, elle collabore à des campagnes promotionnelles ; les chaussures Aldo et une exposition pour Jeep sur les Champs-Elysées. « Les marques commençaient à s’apercevoir que les artistes pouvaient aussi participer à une campagne de pub » précise-t-elle.
Depuis quelques années, l’artiste a franchi un autre cap en illustrant les façades montréalaises. C’est au coin des rues Saint Laurent et Maguire qu’on peut observer l’œuvre qu’elle a créée pour le festival Mural en 2022, représentant une Cadillac Cimarron des années 88. En 2023, elle a aussi réalisé une murale avec le festival Juste pour rire, que les Montréalais peuvent admirer au coin des rues Sherbrooke Ouest et Jeanne Mance.
« Je pense que ce qui caractérise mon art, ce sont des traits très bold, j’ai toujours été inspirée par la gravure », précise celle qui a développé son travail autour de la figure féminine et des animaux sauvages.
L’artiste qui vit et travaille désormais entre la France et le Québec voyage beaucoup et confie se sentir inspirée par le mouvement. « Si je reste trop longtemps quelque part, au bout d’un moment, je manque d’inspiration », avoue-t-elle.
Dalkhafine ne cesse de voir toujours plus grand et confie qu’elle rêve de faire un carré de soie pour Hermès.
Elle envisage dans quelques années d’adopter un mode de vie plus en harmonie avec la planète. « Ce serait peut-être d’avoir une ferme de permaculture avec une résidence d’artistes dedans », conclut-elle.